samedi 11 juillet 2015

Notes philosophiques


La solitude

Sens littéral. Solitude physique ?

On peut être à côté d'eux sans être à leurs côtés. Solitaire au sein d'un groupe.

Qu'est-ce qui fait qu'un homme est solitaire ?

Être rejeté, s'exclure des autres.

Solitude métaphysique. On ne sait plus du tout quel est le sens de la vie humaine.

Solitude choisie ou solitude subie.

La solitude subie est vécue comme une souffrance. Mais la solitue choisie peut être le fait d'une souffrance. C'est le choix de se différencier.

Être seul du fait des nouvelles technologies. On ne montre que ce qu'on veut. L'écran fait office de filtre et "formate les sentiments"

La solitude physique est-elle la seule solitude qui soit ? La solitude est-elle choisie ou subie ?

Comment concilier ces deux questions ?

Il faut mettre en suspens la résolution de la question. A-t-on réussi à entendre la question dans ce qu'elle a d'essentiel ? A-t-on su balancer la question de telle sorte que la première manière d'envisager la question est dépassée une première fois, puis une seconde fois pour réconcilier les deux points de vue.

Écoutez la question. Le caractère bizarre de la question qui nous demande une définition. Donc on nous demande l'essence d'un homme seul.

La définition de l'homme seul ne va pas de soi. Ce n'est pas seulement solitude physique.

Soit on nous demande quelque chose de tronqué. Un homme / seul. C'est étrange de penser une définition, de chercher l'essence de quelque chose qui possède un manque, qui possède quelque chose d'accidentel. Qu'est-ce qu'une voiture jaune ? L'attribut signale une lacune. Est-ce vraiment un homme ? L'homme seul est-il seulement un homme ou est-il le seul homme qui soit ? L'homme est un animal de compagnie. Adam (le terreux) a d'abord les animaux. Il a le pouvoir adamique, nommer les choses. "L'homme est un roseau pensant" (Pascal). L'univers sans l'homme est un univers qui ne comprend pas, qui vit dans l'indifférence de soi. Abriter le réel dans sa conscience. Dieu isole ce qui est féminin dans Adam et il en fait une femme. Eve, la fragilité, la vulnérabilité. Tu quitteras ton père et ta mère pour cette femme. On circoncit les jeunes garçons. On ne circoncit pas les femmes parce qu'elles savent qu'elles ne sont pas autosuffisantes. On force l'homme à faire 5 heures d'étude par jour (dans la religion juive). On n'a pas besoin de forcer les femmes à se rendre compte qu'elles ont besoin d'un autre.

Dans les maisons juives, il y a un tohu-bohu pour se rappeler que la maison n'est pas finie. L'animal est porté par l'instinct : c'est un savoir non conscient de lui-même. La vie le porte plus qu'il ne porte la vie.

[Adolf Portmann, Henri Bergson L'évolution créatrice]

L'homme seul, c'est le seul homme qui soit, parce qu'il a une conscience réflexive. Nous ne vivons pas dans une vie immédiate, mais médiate. Nous ne sommes plus dans le monde, nous sommes devant lui. Dans l'existentialisme est une solitude, on ne peut pas amoindrir le sentiment de solitude ; c'est la déréliction : le sentiment d'abandon. En demandant à une personne, on fait déjà un choix de la personne. Quand le conseil est tombé, on est encore libre de choisir de suivre ce conseil ou de ne le pas suivre. Même quand on a un signe, on est libre de l'interpréter comme on veut. Peu importe les arguments.

Saisir l'homme à partir de ce dont il est privé.

Descartes commence ses méditations métaphysiques en se disant que ses connaissances sont parfois fausses. Donc il sait qu'il n'est pas parfait. L'idée d'un être infini et parfait, il ne l'a pas pu inventée. Donc il existe un Autre.

Qu'est-ce qu'un homme seul ? Le seul homme qui soit.

La solitude, c'est de devoir répondre de soi sans se cacher derrière les autres. Avec Nietzsche, ce qu'on doit craindre, c'est la multitude et non pas la solitude. Dans le nous, le je se dissout. La compagnie est toujours signe de faiblesse, signe que l'on n'est pas autarcique. En Grèce, on insiste sur l'autosuffisance. Chez les Épicuriens, on se met dans un jardin pour ne pas souffrir ensemble, pour avoir des plaisirs qui ne nous feront pas de peine plus tard. Ce qui dépend de moi, je dois toujours le prendre sur moi. Marc Aurèle, Propos.

L'être humain est relationnel, horizontalement et verticalement. L'homme est capable de plus grand que lui, capax dei.

La politesse et les belles manières sont une manière d'être avec les autres, parce qu'on ressent un vide intérieur, mais parce qu'on ne peut pas être trop proche d'eux sans en souffrir. Un désert, c'est un endroit où les hommes sont polis, discrets où l'homme peut s'intéresser à ce qui compte vraiment. C'est dans cette solitude que l'on peut advenir des questions essentielles. Il faut pour cela une certaine qualité de silence.

Critique des moyens de communication : ce sont des médiations qui ne nous relient pas mais qui nous absentent. La radio, la télé et l'internet sont des media. Dans une journée de philosophie, ce que nous promet internet c'est la connexion, une fenêtre, un safari, une exploration, mais on ne se connecte qu'au prix d'une déconnexion d'avec son monde. On est toujours renvoyé à une autre page.

Se soustraire au bavardage, c'est se méfier des médiations. Le téléphone mobile donne l'impression à celui qui est en face de celui qui téléphone d'être frappé d'inexistence. L’exhibitionniste reconnaît qu'il y a un espace public. Avec le téléphone, on interdit le domaine public d'exister. Il n'y a plus d'espace public. On est partout chez soi.

L'homme seul est le seul homme qui soit mais pour répondre de soi, Sartre, pour clamer son autosuffisance, Schopenhauer, pour seulement écrire que la multitude est mauvaise, Nietzsche, il faut autrui, devant qui l'on répond, qui nous reconnaît, et sans la société duquel nous ne nous serions pas même parlé. L'homme est un animal qui a toujours vécu avec d'autres hommes. C'est pour ça qu'il a développé la parole, la conscience...

L'homme seul est-il seulement un homme ?

Aristote contre les théoriciens du contrat social (Rousseau, Locke, Hobbes). Pour comprendre l'homme, il faut d'abord comprendre la société. Ce qui est premier, c'est l'obligation. L'enfant sauvage est un homme seul, c'est-à-dire pas un homme, pas un homme. Michel Tournier, si l'on enlève le lien social, l'homme tombe, il n'est plus un homme. La coprésence des hommes aux autres hommes est nécessaire pour tenir debout. Il n'y a plus de structuration symbolique de l'espace et du temps. On reconnaît qu'il y a un intérieur et un extérieur. L'homme seul est dans la vase.

« Survivre, c'est mourir ». Survivre, ce n'est pas vivre. L'homme ne peut se contenter d'être dans la contentation de soi, il en meurt. Un homme n'est pas un animal de besoin, un homme est un animal de désir. Quand il en sort, il en crève. L'enfant sauvage ne dort pas, les animaux (exceptés domestiques) ne dorment pas, ils somnolent. Ce qui fait que même éveillé, l'enfant sauvage était à moitié inconscient.

François Truffaud, Seul au monde, Into the Wild, Henri-David Thoreau, Jack London Les récits de la seconde ruée vers l'or. L'amour de la vie. Ce qui fait qu'un homme reste un homme, c'est sa dignité.

Si l'homme est d'abord un animal social, comment se fait-il que la solitude soit d'autant plus vive qu'au milieu de nos semblables ? La solitude, avant d'être une affaire de société, n'est-elle pas d'abord celle du sens de telle sorte que le but n'est pas d'être ensemble mais de vivre seul ou à plusieurs une vie sensée ? Être un homme seul, c'est d'être d'un monde qui ne fait plus seul.

L'homme seul, c'est celui qui ne trouve, à l'intérieur et à l'extérieur de soi, rien qui ne donne sens. Le solitaire n'est pas un homme esseulé. Il s'écrie : « Enfin seul ! » A quelle condition la solitude est-elle digne d'être vécue ? C'est quand elle se trouve elle-même habitée. Cela ne se peut qu'à condition que ce moi soit habité, ce qui s'appelle avoir une intériorité : c'est un lieu étrange qui n'est pas spatial. Chez St-Augustin, l'intériorité est le centre de sa vie qu'il découvre. Quelqu'un qui ne se recueille jamais, sa vie s'éclate, elle va de-ci de-là. Il parle d'un intime plus intérieur à moi-même que je ne le suis et qui est la cime de mon être. La différence entre le solitaire (il y a un autre en lui, la présence en lui du souci du Bien, du Beau et du Vrai ; pas en parfaite adéquation entre moi et moi-même ; on ne se résume pas à soi-même ; on doit se faire l'accoucheur de soi-même) et l'esseulé... L'ermite n'est pas seul, il s'isole pour être davantage à l'écoute de la nature. La vraie solitude appartient à l'homme moderne, à qui l'on a appris que tout se résume à des rapports de force, à du relatif.

L'homme seul est celui qui évolue même à plusieurs dans un monde esseulé.

Kierkegaard, Le lys des champs et l'oiseau du ciel

La forêt est silencieuse. Quand on est en paix avec soi-même, qu'on communie avec la nature, il se crée une solitude, un silence qui n'est pas physique mais métaphysique. Même le meuglement ajoute au silence. Au fond, c'est silencieux au sens où l'on est en accord avec le monde.

Christian Bobin, La part manquante,

Femme est seule malgré l'enfant. Déception dans l'amour. Pourquoi l'enfant porte-t-il la solitude à un sommet ? Il y a un profond accomplissement de l'éducation. La femme donne tout à l'enfant qui ne le sait pas. Au fond, la solitude, c'est un quiproquo, un malentendu. Faire un trait d'esprit que personne ne comprend. Désaccord profond avec le monde.

Georges Bernanos, La France contre les robots,

La technique fait disparaître le monde. Même le plus immonde personnage ne pourrait aller jusqu'à ce stade, il serait dégoûté. C'est la machine qui fait tout.

La ZAC : les gens s'y juxtaposent.

La solitude, c'est l'absurdité. C'est métaphysique, donc philosophique.

Dans les comédies américaines, Seul au monde, True-man-show : ce qui croit être le ciel, c'est un immense studio, ses parents sont des acteurs. Moment d'angoisse où il soupçonne que la vie est ailleurs. Nous soupçonnons l'inauthenticité de notre vie. Il regarde les gens, tout cela n'est qu'un jeu (La Nausée, Sartre).

Un jour sans fin. L'éternel retour de Nietzsche. Un journaliste, seul au monde, parce que l'autre est soit un moyen, soit un obstacle. Il n'y a plus que nous puisqu'on ne se rencontre plus que soi-même. (Barberousse, Kurozawa). Le lendemain, il se réveille le même jour.

Un jour qu'il voit l'enfant mourir, il essaie de le rattraper le jour suivant.

A la fin, il ne veut plus rien pour lui.

Pour un garçon avec Hugh Grant.

L'homme centre du monde, l'homme infantile. Grandir, c'est se décentrer, construire avec l'autre un monde sensé.

13è s : Milarépa : tibétain veut connaître la vérité absolue. Il part et entre au monastère bouddhiste. Il a bcp de volonté, fait vite ses preuves. Mais un an et demi plus tard, il se rend compte qu'il ne connaîtra pas la vérité absolue. Il devient par la suite ermite. Il fait jusqu'à dix heures de méditation. Mais ça ne suffit toujours pas. Il va donc s'isoler : faire 15 heures de méditation par jour. Mais il remarque qu'il va mourir s'il continue. Quand on a faim, il faut manger. C'est la vérité absolue qu'il a trouvée. « Quand on a faim, on mange ; quand on a soif, on boit », d'après les Bouddhistes. On est d'abord un corps ? Par le seul fait qu'on a un corps, qu'on s'en rende compte, on ne peut pas se suffire à soi-même. Un homme seul ne sait plus qu'il ne se suffit pas à lui-même. Je suis un être de relation.

Hegel prend cette idée : si l'on pense l'Absolu, il faut penser la relation. Penser solide, ce n'est pas penser sur du relationnel, sur de l'absolu. Il ne faut pas commencer par du relatif. Il faut partir de l'universel, du tout, de l'absolu, du principe, de l'inconditionné, du nécessaire ; ce qui s'oppose au conditionné, au relatif, au contingent, au particulier, à la conséquence, à la partie.

Mais Hegel nous dit que si l'universel l'est vraiment, il doit penser le relatif. Si on ne pense que lui, on n'exclut le relatif. Un tout qui exclut les parties. On est dans la mauvaise abstraction. La nécessité doit embrasser la contingence. Cela lui a été soufflé par la Trinité. Pour être tout, il faut se donner son autre. Don et renvoi etc.

Ex : Pour penser notre humanité, on ne part pas de Johnny. On part de l'être humain. C'est un homme complètement abstrait. Il faut sortir de l'abstraction. Il faut montrer que cette humanité se retrouve partout, dans chaque culture. Si on part de l'abstraction, on se rendra compte qu'on est que la moitié d'un être humain. Ça pourrait être grave.

Au nom des Droits de l'Homme, on abattrait les frontières ?